13.05.2015

179.365.000
millions de dollars
pour un Picasso...
Pourquoi ?

Christie's
New York

Lundi soir un record mondial a été frappé au marteau de la maison de vente aux enchères Christie’s adjugeant un Picasso à plus de 179 millions de dollars. Les Femmes d’Alger, réalisé en 1955 par le maître espagnol devient donc le record mondial pour une oeuvre d’art.

L’information fait le tour du monde et des chaines d’infos depuis hier matin sans pourtant que l’on comprenne comment et pourquoi une oeuvre d’art a pu atteindre un tel record. Tentons donc de trouver quelques explications à ce chiffre absolument astronomique.

Pour situer le lot, il prenait place au sein d’une vente organisée à New York le 11 Mai au siège de la Maison Christie’s, au Rockefeller Center, lors d’une prestigieuse Evening Sale du printemps 2015. Cette oeuvre de Picasso avait été réalisée en hommage à Henri Matisse, décédé un an plus tôt et s’inscrit dans une série de 15 tableaux inspirés du chef d’oeuvre de Delacroix Les Femmes d’Alger dans leur appartement. Cette même oeuvre de Pablo Picasso avait d’ailleurs déjà été adjugée en 1997 chez Christie’s pour 32 millions de dollars.

Lundi soir à New York,  c’est sous les coups de marteau de Jussi Pylkkanen, président international de Christie’s, que les enchères ont commencé à 100 millions de dollars, elles ont duré 11 minutes, pour finalement atteindre 179.35 millions de dollars, incluant les 12 % de commission de la maison Christie’s.

La vente intitulée « Looking Forward To The Past » été constituée de seulement 35 lots pour une estimation totale de 500 millions de dollars. Christie’s parle d’un concept de vente aux enchères novateur : la vente est abordée à travers un thème qu’on retrouve dans son titre et qui met en scène les choix curatoriaux de la maison de vente.

L’organisateur de la vente Loic Gouzer, parle de ce nouveau concept de vente lors d’une déclaration pour Christie’s :
« Les artistes du XXe siècle ont été largement influencés par leurs prédécesseurs et à travers l’exploration du passé, ils ont été capables de créer un territoire nouveau et excitant qui leur est propre. Il est remarquable qu’une œuvre de Mondrian peinte il y a presque un siècle n’ait absolument pas perdu de son impact virtuel ou novateur. Elle est simplement aussi forte et pertinente dans une collection contemporaine de pointe que quand elle était suspendue dans une collection renommée de premier-ordre. Il est évident que l’art d’hier informe l’art d’aujourd’hui, alors que l’art de maintenant endosse celui du passé. »

Cette vente s’inscrit donc dans ce nouveau format lancé par la maison en 2014, réunissant ainsi Postwar et Art Contemporain avec les Impressionnistes et les Modernes ;  historiquement séparés dans les grandes maisons de ventes aux enchères. Les oeuvres présentées lors de cette vente allaient ainsi de 1902 avec une huile sur toile de Claude Monet adjugée 40 millions de dollars, à 2011 avec une installation de Urs Fischer partie à 2.4 millions de dollars.

Il ne faut pas oublier que la maison de vente a mis au point un plan marketing sans précédent,  bâtissant sa stratégie médiatique autour de ce fameux Picasso. L’exposition des lots a d’ailleurs attiré plus de 15.000 visiteurs lors des dix jours précédants la vente.

Dix records ont été enregistrés durant cette vente, pour Picasso évidemment avec Les Femmes d’Alger, mais aussi pour la sculpture avec L’Homme au doigt réalisé en 1947 par Alberto Giacometti, adjugé 141 Millions de Dollars. La vente a enregistré au total 705.858.000 $.

On peut citer plusieurs raisons qui expliquent un tel record pour une oeuvre de Picasso. Sa taille par exemple : il est très grand (1,14 m x 1,46 m), on trouve rarement de tel format sur le marché actuel. Son contexte : dans la série réalisée d’après Les Femmes d’Alger de Delacroix, dix tableaux ont déjà pris place dans des musées. Evidemment sa provenance : depuis 1955, année de réalisation du chef d’oeuvre, l’oeuvre n’a eu que deux propriétaires.

Et pourtant les historiens et les spécialistes s’interrogent: l’oeuvre record de Picasso date désormais de 1955, une période qui n’a pourtant jamais été reconnue comme l’une des plus intéressantes ou emblématiques du peintre espagnol. Certains historiens parlent même d’un « mauvais Picasso »…

Mais voilà Picasso est LA superstar du marché de l’art, il est reconnaissable entre mille au premier coup d’oeil. Beaucoup de nouveaux acheteurs de plus en plus riches débarquent dans les salles de ventes très désireux d’acquérir le must du marché de l’art. Ils font une confiance absolue à Christie’s et sont prêts à dépenser des millions pour acquérir les plus grands noms de l’Histoire de l’Art. Les multi-milliardaires chinois et qataris par exemple ont peu de limites et parfois peu de connaissance du marché et de l’histoire de l’art. Ils achètent sans conseiller chez Christie’s et veulent des chefs d’oeuvres à six chiffres. Ils ont déjà les yatchs, les voitures de luxe, les clubs de foot, les montres, les bijoux…

Ce Picasso n’est pas le plus beau, ni le plus intéressant, mais il est désormais le tableau le plus cher de l’histoire.