23.10.14

Foire
Internationale
d'Art Contemporain
2014

PAR MARGAUX BARTHELEMY

JUSQU'AU 26.10.14

La FIAC c’est le plus grand supermarché français de l’art.  C’est un lieu de transactions, comparable aux salles de marché, aux trading room où les actions se font et se défont à toute allure.

La 41ème édition de la FIAC a rassemblé 191 exposants, venus de 26 pays différents, et 1451 artistes sous la nef du Grand Palais.

On s’y montre, on y transpire, on y travaille, on s’y photographie… Surtout, on achète. On sait notamment que le collectionneur François Pinault a acheté une quarantaine d’oeuvres quelques heures après l’ouverture des portes de la foire.

Cette année la FIAC a bénéficié  d’un contexte culturel parisien hyper dynamique : notamment avec l’ouverture très attendue du Musée Picasso après plus de cinq ans de fermeture, la livraison du chantier si sulfureux de la Fondation Louis Vuitton par l’architecte Frank Gehry, mais aussi l’organisation de ventes de prestige chez Piasa et Artcurial.

 

COMING SOON

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Supermarché

Si vous voulez passer un bon moment autour d’oeuvres d’art tout en vous  cultivant , prenez plutôt un ticket pour la Maison Rouge ou le Centre Pompidou. Si vous bossez de près ou de loin dans l’art, si vous collectionnez, si vous écrivez sur l’art, si vous le vendez…. Alors vous le savez, un passage à la FIAC est obligatoire.

Ce rendez-vous annuel parisien nous permet de prendre la température du marché de l’art. On y retrouve les mêmes grosses galeries, sorte de blockbusters,  afficher leurs têtes d’affiches sur les plus grands stands de la foire. On y croise des starlettes de seconde zone qui s’achètent une sorte de culture-mondaine en se rendant au vernissage, on compte combien d’Anish Kapoor il y a dans chaque allée (sept galeries présentent ses oeuvres sur la foire ),  on s’aperçoit que l’artiste le plus présenté sur cette foire d’art contemporain est Pablo Picasso. On réalise qu’une même oeuvre de Latifa Echakhch, Prix Marcel Duchamp 2013, est accrochée sur deux stands différents, son travail est en réalité présenté par quatre galeries sur la foire. On essaye de comprendre pourquoi il y a des Chamberlain partout (Gagosian, Kartsen Greve, Hufkens et Waddington Custot). On se dit que Daniel Buren n’a pas fini d’auto-pasticher son travail : grosse nouveauté cette année, ses rayures sont en marbre ! On croise les doigts pour que Perrotin n’ai pas fait appel à Jay Z pour curater son stand…

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If I was rich

Puis on se met à saliver devant les sublimes Crucifix de Lucio Fontana chez Karsten Greve (même si on sait qu’ils étaient accrochés au même endroit l’année dernière), on commence à prendre en photo son shopping rêvé : Alex Israel chez Almine Rech, Gilles Barbier chez les Vallois, David Hockney chez Lelong, Marina Abramovic chez Krinzinger, les oeuvres de Théo Mercier & Erwan Fichou dans l’espace du Fond Municipal pour l’Art Contemporain, Wolfgang Tillmans chez David Zwirner, Sarah Morris à la White Cube, Chiraru Shiota chez Templon, Roni Horn chez Hauser & Wirth…

On se met à faire un bref calcul de ce qu’on n’a pas dépensé, puis on se dirige à l’étage, chez les jeunes.

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Les jeunes

Là haut, dans cet espace réservé à ce que le milieu aime appeler les « jeunes galeries », on découvre de la fraîcheur, du fun, des prises de risques, des accrochages intéressants, des cartels faits maison. On retrouve une bonne partie des galeries de Bellevillle notamment Jocelyn Wolff ou encore Marcelle Alix, quelques galeries californiennes comme Jessica Silverman (San Francisco), François Ghebaly (Los Angeles), des anglais comme The Approach (Londres), ou encore des belges comme la galerie Catherine Bastide.

C’est bien sur cet étage qui nous intéresse d’avantage. On y découvre des artistes et des galeries qu’on ne connaissait pas, des allées moins bondées. On ne croise ni Zahia ni Patrick Bruel dans cette partie du Grand Palais , on remarque moins de visiteurs faisant leurs selfies avec des oeuvres en arrière plan.  On se tourne enfin vers des oeuvres qui nous séduisent instinctivement par leur puissance esthétique, et non plus vers des artistes dont on connait déjà le vocabulaire et les codes. On forme notre oeil à des nouveaux langages artistiques. On retiendra George Henry Longly chez Valentin avec son « Heartbreaking Melodrama« , sorte de puzzle surréaliste en marbre, Amir H. Fallah chez  The Third Line (galerie installée à Dubai),  Joel Kyack chez François Ghebaly, ou encore Sean Raspet et Hayal Pozanti chez Jessica Silverman Gallery.

Rappelons que deux des quatre galeries qui représentent les nommés pour le prix Marcel Duchamp cette année ont leur stand au premier étage : la galerie Jousse Entreprise pour Julien Prévieux (le lauréat 2014) et la galerie Crèvecoeur pour Florian et Michaël Quistrebert.

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Théo Mercier, mon lauréat Marcel Duchamp

La FIAC c’est aussi l’occasion chaque année de récompenser un artiste grâce au prix Marcel Duchamp, véritable institution qui a su s’imposer comme la récompense majeure de l’art contemporain en France. Le premier prix Marcel Duchamp récompensait il y a 15 ans, en 2000, le génial artiste Thomas Hirschhorn, Dominique Gonzalez-Foerster en 2002 ou encore le délirant duo Dewar & Gicquel en 2012.  En plus du prestige de ce prix, l’artiste sélectionné se voit ensuite récompensé d’une exposition personnelle l’année suivante au Centre Pompidou. Cette année c’est Latifa Echakhch qui occupe les lieux avec ses nuages.

La sélection 2014 est un très bon cru : Julien Prévieux (Galerie Jousse Entreprise), Théo Mercier (Galerie Maubrie), Florian & Michaël Quistrebert (Crèvecoeur et Juliette Jongma) et Evariste Richer (Galerie Meessen De Clerq et Schleicher/Lange). Une bande de mecs nés dans les années 70-80, exposés à égalité sous la nef du Grand Palais.

Finalement samedi en fin de matinée,  Julien Prévieux a été récompensé comme le lauréat 2014 du prix Marcel Duchamp pour son oeuvre composée de trois séquences intitulée « What Shall We Do next? » Travail basé sur une sorte « d’archive des gestes à venir ». Il nous montre de quoi notre avenir corporel sera certainement fait, comment nous bougerons probablement nos mains ou nos yeux dans cinq ou dix ans. Par exemple, le mouvement « pinch to zoom », le fait d’écarter le pouce et l’index pour agrandir une image ou un texte, geste qui a été déposé par Apple en 2006 !

 

En face de Julien Prévieux, dans l’espace réservé aux nommés, il y a Théo Mercier. Il présente un travail incroyable, « Je ne regrette rien », installation démente composée d’une sculpture centrale en marbre de Carrare reprenant la figure de Moaï, statue monumentale de l’île de Pâques, elle-même entourée d’une série de ruines miniatures d’aquarium installées et ordonnées sur des étagères en marbre blanc.  L’installation est stupéfiante, rappelant des mondes submergés, des villes ensevelies, des ruines gréco-romaines ou encore des mondes sous-marins. Entre surréalisme et kitscherie hyper esthétiques, Théo Mercier réussit à nous plonger dans une histoire à l’univers indescriptible. Tout comme lui,  artiste inclassable qui joue de manière étonnante et séduisante avec la cuisine de l’imaginaire.

 

Quand il n’agit pas seul,  il fait appel à l’artiste Erwan Fichou : est présentée dans l’espace réservé aux acquisitions du FMAC  (Fond Municipal d’art contemporain de la Ville de Paris), une série réalisée à quatre mains  qu’ils intitulent « Hier ne meurt jamais« .

Série de trois photographies  qui nous attirent au premier coup d’oeil : photos ultra-bright et immenses qui font figures de témoignages d’installations. Des banderoles aux slogans ringards  : « Youth Hostel », « Souviens-toi l’été dernier », « Je ne regrette rien » sont brandies par l’architecture gréco-romaine de monuments en ruines.  On adore.