08.11.2014

SURVIVAL
CAMP

PAR MARGAUX BARTHELEMY

15.11.2014

Dans le 13ème arrondissement de Paris, au croisement d’une ruelle au passé mythique, celle des anciens frigos, se prépare depuis quelques jours une exposition d’un nouveau genre.
Une bande d’étudiants en troisième année de photographie au sein de la prestigieuse école suisse l’ECAL est en plein montage, accompagnée de leur professeur Thomas Mailaender et de leur directeur Milo Keller.
Attention, ils ne sont pas là par hasard, ceci est un workshop.
Eparpillés par-ci par-là autour des voûtes de la rue des frigos, entourés par un bordel assez organisé, c’est deux jours avant l’ouverture au public de leur exposition que je rencontre cette joyeuse bande.
Des grandes images ultra colorées, tirées sur des bâches bien robustes, sont étalées à même le sol du jardin entre deux saules pleureurs à l’entrée du lieu. On devine aussi entre les branches des arbres quelques photographies collées sur les façades.
Sous les voûtes, à l’intérieur du bâtiment, on découvre un radeau en bois fait maison,  des tissus de camouflage militaires au quatre coins de la pièce, des matelas bousillés, des packs de bières… Comme des reliques qu’on aurait transporté jusqu’ici comme preuves d’un séjour passé.
Les étudiants sont en plein montage au sein de ce campement de fortune installé en plein Paris, entourés d’indices qui nous renvoient à la genèse de ce projet.
Cette exposition est en effet le résultat d’un séjour pour le moins initiatique qu’ont vécu cette bande de jeunes photographes, perdus au milieu d’une forêt suisse pendant une semaine.
Pensé par leur professeur Thomas Mailaender, ce séjour est la matrice de cette exposition dont voici le mode d’emploi :
Séjourner ensemble pendant sept jours au milieu d’une forêt sauvage lausannoise, en immersion totale, à travers une quête d’autonomie et de perte de confort. Il s’agit d’y pêcher, d’y chasser, d’y dormir … Mais surtout d’y produire les images qui constitueront l’exposition.
C’est donc dans ces conditions souhaitées par leur professeur, que la perte de repères et de confort a provoqué chez ces étudiants, une production d’images insolites.
Privés de leur confort habituel, les étudiants ont fabriqué dans un contexte technique assez rudimentaire, une série d’images situées au croisement du grotesque et de la photo souvenir.
Faute de moyens, les élèves sont à la fois présents derrière et devant l’objectif. On reconnait les visages de ces étudiants, auto-mis en scène dans des compositions bricolées avec leur matériel de campeurs.
Portrait de trois-quart pour l’un d’entre eux, mis en scène tel un jeune éphèbe à moitié nu, visage entouré d’une coiffe gonflable à l’aide d’un coussin de voyage, son dos est recouvert d’une cape matelassée mauve qui nous rappelle nos sacs de couchage, ses poignées sont ornés par des bracelets argentés improvisés avec des rouleaux de scotch, son torse est nu mais ses jambes sont entourées par un tapis de sol turquoise.
Autre portrait d’une jeune fille au look de pom-pom girl,  brandissant fièrement ses plaques de cuisson version camping-car, posant sur un fond orange, arborant un sourire assez niais pour nous rappeler ces pubs américaines tout droit sorties des années 1950,  mettant en scène des housewives fières de leurs premiers laves-linge.
On retiendra également un portrait mettant en scène leur professeur à moitié nu posant jambes croisées sur une moto entièrement recouverte de feuilles d’aluminium.

De retour de ce voyage formateur dans les bois, les étudiants ont poursuivi ce workshop en campant de nouveau ensemble, dans un milieu urbain cette fois, sur le lieu de leur future exposition.
C’est donc à Paris, dans les Voûtes de la rue des frigos que les élèves ont vécu une semaine de plus en communauté afin de procéder au montage de leur exposition de fin de semestre. Là aussi les étudiants sont accompagnés par leur professeur et directeur qui ont spontanément changés leur casquette contre celle du curateur afin de concevoir une exposition à la hauteur de leur aventure commune au fond des bois, comme une oeuvre témoin.
L’exposition est d’ailleurs accompagnée par un catalogue-journal en bichromie réalisé par les étudiants et imprimé à l’ECAL.

Une installation immanquable à découvrir pendant la semaine de Paris Photo, jusqu’au samedi 15 novembre 2014.