21.01.2015

The Shell
(Landscapes,
Portraits & Shapes)
par Eric Troncy

Almine Rech Gallery, Paris

14.02.2015

« Modern art history has ceased to represent a road traveled, and has come to seem an encircling panorama ». C’est ce constat dressé par Peter Schjeldahl en 1981 qui inspira le critique Eric Troncy pour sa proposition curatoriale actuellement installée au sein de l’espace parisien de la galerie Almine Rech.
Un panorama. C’est de cela dont il s’agit au sein de The Shell ( Landscapes, Portraits & Shapes). Un panorama de peintures : telle est la constante de cette exposition. On y trouve donc des paysages, des portraits et des formes comme Eric Troncy l’indique dans son titre. L’espace de la galerie Almine Rech est assez spectaculaire, tant par son immensité que par sa luminosité éclatante. Il faut dire que l’espace se prête parfaitement à ce type d’exercice. Il supporte largement l’accrochage très serré de peintures pour la plupart figuratives, immenses et très colorées. Une quarantaine de toiles sont donc accrochées les unes à côté des autres sur tous les murs offerts par cet espace,  suivant une ligne tracée sur l’horizon du lieu. Ce panorama débute dans la plus grande salle avec un portrait de femme d’ Alex Katz, suivi d’une nature morte de Jonas Wood, notre regard se pose ensuite sur un Bertrand Lavier haut en couleur et en abstraction issu de la série Walt Disney Productions. Et hop on tombe à nouveau sur un Alex Katz hyper figuratif,  et le name dropping ne s’arrête plus (malgré l’absence de cartel)…John McAllister, John M Armleder, les lignes acidulées de Brian Calvin, la force qui se dégage de  l’abstraction de Julian Schnabel, l’égérie Victoria Secret Adriana Lima portraiturée par Richard Phillips, accoudée aux palmiers sur fond de soleil couchant californien d’Alex Israel. La discrétion de David Ostrowski se retrouvant encerclée entre l’acidité des peintures réalisées à l’IPad par David Hockney, et le surréalisme dégagé par Christian Rosa…
Sur le quatrième mur de cette grande salle, c’est un Tumblr grandeur nature qui nous fait face : oeuvres ultra bright, chromie hyper étudiée, accrochage sciemment décidé, luminosité au maximum… Imaginez-vous en immersion sur le compte Instagram d’une Garance Doré de l’art contemporain ! Encore des palmiers de Josh Smith cette fois, de l’abstraction acidulée de Jean-Baptiste Bernardet, du sexe très désaturé par Betty Tompkins, le graphisme fluorescent d’Alain Sechas, ou encore les champs de fleurs d’Ida Tursic & Wilfried Mille.
Eric Troncy évoque lui-même au sujet de cette exposition, un panorama « à la Google », sans hiérarchie, mélangeant générations et styles de manière très décomplexée. Comme si chaque tableau racontait quelque chose de cette route évoquée par le critique Peter Schieldahl en 1981, ce chemin emprunté par l’histoire de l’art pour aboutir finalement à ce panorama circulaire.
Le curator de The Shell prolonge la vision évoquée en 1981 par ce dernier : « Le voyage initiatique complexe qui conduisait à la connaissance de l’art, autant que la route faite de ruptures tracée par les avant-gardes, semble en effet avoir laissé place à un panorama à 360° offrant un accès simultané et immédiat à la quasi-totalité de la production artistique et de son histoire. Aux nouvelles générations, l’art des dernières décennies peut se présenter comme un tumblr, une vue panoramique aux vertus décomplexées d’entertainment. Cette “vue” rappelle les panoramas populaires du XIXe siècle – d’imposantes constructions en forme de rotondes dont l’intérieur était peint d’un trompe-l’œil continu qui racontait un moment d’histoire. »
On poursuit notre visite en s’attardant sur un chef-d’oeuvre saisissant de Bernard Buffet, « Les Brigands », réalisé en 1997, faisant douloureusement écho à notre actualité.
On s’arrête une dernière fois face à la douceur dégagée par l’un des derniers murs de l’exposition. Eric Troncy a peut être fait abstraction de toute forme de hiérarchie dans son accrochage, mais l’harmonie qui se dégage de ce mur est indéniable : un visage apeuré de Brian Calvin est protégé de part et d’autre par l’abstraction d’une tache bleue pâle de Erik Lindmann sur la gauche, et par une composition sourde et douce de Bertrand Lavier sur la droite.
On est certain que ce mur se balade déjà sur le net, filtré sur Instagram, archivé sur Pinterest, et affiché fièrement sur les home page de nos Tumblr préférés.