10.04.2015

GUY YANAI

New York

Cette semaine j’ai eu envie de vous parler de Guy Yanai, artiste israélien né en 1977 à Haifa, actuellement basé à Tel Aviv. Il a étudié à la Parsons School of Design, à la New York Studio School, puis diplômé du Hampshire College à Amherst, MA.

Nous l’avons rencontré pour la première fois cet hiver à New-York. Au moment de l’Armory Show oui, mais dans un contexte beaucoup plus amical et moins guindé.

Guy Yanai parle beaucoup d’art et des artistes en général mais peu de son travail. Il s’agit aujourd’hui de dresser son portrait sans l’avoir réellement interviewé, mais en tentant de saisir certains points essentiels de son approche, au fil de nos différentes rencontres. Avec son physique juvénile, ses lunettes rondes, sa casquette un coup à l’endroit – un coup  à l’envers, son sourire malicieux, Guy semble tout droit sorti d’une bande dessinée.

Il est très loin des vieux clichés de l’artiste maudit ou timide, mais sa sensibilité est débordante. A l’image de son goût pour les voyages, Guy fait des rencontres un peu partout et sème des amitiés sur différents continents. Il sait rassembler les gens autour de lui dans la joie et le partage. Sa générosité dans le rapport à l’autre est assez frappante, il est à la fois très curieux des autres et attachant.

Guy fait partie des artistes qui ont le vent en poupe. On parle de lui dans des revues branchées,  son galeriste français (Galerie Derouillon)  est installé rue Notre Dame de Nazareth dans le 3ème arrondissement de Paris. Il approche les 4000 followers sur Instagram, signe des sweat-shirts chez Band of Outsiders,  et rêve de faire des collab’ avec Etudes Studio. Guy est un artiste de sa génération, bien ancré dans son époque, et très conscient de son marché.

Au premier coup d’oeil, à travers un écran d’Iphone, ses peintures dégagent une certaine froideur, hyper grahiques, on a tendance à les imaginer accrochées sur les murs du Broken Arm.  Mais le travail de Guy mérite d’être regardé sans filtre Instagram. Fermez donc la fenêtre de son Tumblr et approchez-vous de ses toiles.

A travers ses bandes horizontales perpétuelles, il construit notamment des natures mortes d’une solitude assourdissante, qu’il réalise quotidiennement dans son atelier de Tel Aviv, où il se rend chaque jour à heures fixes, pratiquant des horaires de bureau.

On ne peut s’empêcher de penser aux papiers découpés de Matisse lorsqu’on observe sa série de plantes vertes, ou encore à cette notion de « décoratif supérieur » évoqué par ce dernier au moment de la réalisation du chef-d’oeuvre de la Chapelle de Vence.
L’absence de perspective fait largement écho à la peinture religieuse et aux icônes du XV ème siècle. Guy évoque régulièrement la peinture de Giotto et de Piero della Francesca. Guy peint plat, un exercice relativement périlleux à l’ère de la photographie et des sculptures monumentales. Sa sensibilité dépasse largement cette notion de double dimension et elle jaillit de chaque centimètre de ses toiles. Sa peinture est solaire et semble tout droit sortie d’un atelier baigné par la lumière de Los Angeles. Lorsqu’il peint des paysages on distingue les bleus de la Méditerranée, sa palette vient du Sud.  Guy exprime régulièrement son admiration pour Cézanne.

Lorsqu’il dessine, il fait preuve d’une poésie saisissante, les bandes horizontales disparaissent et laissent place à une forme de désuétude et de naïveté qui nous frappe. Il n’y a alors (presque) plus de barrières entre le spectateur et l’oeuvre. Il raconte d’ailleurs qu’il dessine la nuit, chez lui, une fois qu’il a quitté l’atelier, dans une intimité particulière que réclame le dessin…

Un artiste qui gagne à être connu.